Le jour où lire "Etoile errante"

Publié le par Océ

L'histoire de deux jolies étoiles, l'une juive, l'autre palestinienne au moment de la création d'Israël.

L'histoire de deux jolies étoiles, l'une juive, l'autre palestinienne au moment de la création d'Israël.

   Lundi 14 mai 2018 : c'est une nouvelle date sanglante -plus de 55 morts palestiniens-  à inscrire dans l'histoire de la région.  Les affrontements entre les habitants de la bande de Gaza et l'armée israélienne sont récurrents, la coexistence tout sauf pacifique et la moindre étincelle suffit à ranimer la violence.

  La moindre étincelle ? il faut dire que le leader maximo des Usa y a mis du sien en  installant l'ambassade de son pays à Jérusalem, reconnaissant de facto cette ville comme capitale d'Israël alors que toute une partie est peuplée par des Arabes qui la voudraient aussi comme capitale de leur futur état.

  Comme si le choix de la ville ne suffisait pas, il a fallu aussi faire très fort pour la date : celle de l'anniversaire de la création d'Israël qui a 70 ans,  de ce que les Palestiniens nomment la Nabka, «la catastrophe».

  La situation d'aujourd'hui nous renvoie ainsi  dans un passé jamais cicatrisé, celui qui a vu la partition de la Palestine pour donner une terre aux survivants de la Shoah. C'est dans ces limbes que  nous plonge le roman Etoile errante publié en 1992 par J M G Le Clézio.

   Tout commence dans le midi de la France en 1943. Des familles juives sont regroupées à Saint-Martin-Vésubie pour échapper aux persécutions nazies.  Surnommée « Estrellita »  ou "petite étoile" par son père, Esther cache son vrai nom et sa religion  pour survivre. Elle va réussir à traverser la frontière italienne avec sa mère pour  gagner un bateau  puis rejoindre un kibboutz  au moment même de la création d'Israël.

  • Un double regard

   Sur sa longue route, elle va croiser la longue cohorte des Palestiniens chassés de leur terre et qui se dirigent vers des camps de réfugiés. Dans la foule,  son regard s'arrête sur une adolescente comme elle, Nejma, la Palestinienne. Nejma signifie aussi "étoile".  Deux destins se croisent,  si semblables et si différents :  à l'errance d'Esther qui laisse la guerre et le malheur derrière elle  pour une vie meilleure au moment où Nejma quitte sa vie au bord de la mer et entame le parcours d'une déracinée  jetée dans l'inconnu.

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La vie à Saint-Martin-Vésubie (extrait de Etoile errante)

  "Elle savait que l'hiver était fini quand elle entendait le bruit de l'eau. L'hiver, la neige avait recouvert le village, les toits des maisons et les prairies étaient blancs. La glace avait fait des stalactites au bout des toits. Puis le soleil se mettait à brûler, la neige fondait et l'eau commençait à couler goutte à goutte de tous les rebords, de toutes les solives, des branches d'arbre, et toutes les gouttes se réunissaient et formaient des ruisselets, les ruisselets allaient jusqu'aux ruisseaux, et l'eau cascadait joyeusement dans toutes les rues du village.

C'était peut-être ce bruit d'eau son plus ancien souvenir. Elle se souvenait du premier hiver à la montagne, et de la musique de l'eau au printemps. C'était quand ? Elle marchait entre son père et sa mère dans la rue du village, elle leur donnait la main. Son bras tirait plus d'un côté, parce que son père était si grand. Et l'eau descendait de tous les côtés, en faisant cette musique, ces chuintements, ces sifflements, ces tambourinades. Chaque fois qu'elle se souvenait de cela, elle avait envie de rire, parce que c'était un bruit doux et drôle comme une caresse. Elle riait, alors, entre son père et sa mère, et l'eau des gouttières et du ruisseau lui répondait, glissait, cascadait...

Maintenant, avec la brûlure de l'été, le ciel d'un bleu intense, il y avait un bonheur qui emplissait tout le corps, qui faisait peur, presque. Elle aimait surtout la grande pente herbeuse qui montait vers le ciel, au-dessus du village. Elle n'allait pas jusqu'en haut, parce qu'on disait qu'il y avait des vipères. Elle marchait un instant au bord du champ, juste assez pour sentir la fraîcheur de la terre, les lames coupantes contre ses lèvres. Par endroits, les herbes étaient si hautes qu'elle disparaissait complètement. Elle avait treize ans, elle s'appelait Hélène Grève, mais son père disait : Esther."

Publié dans Littérature

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