"Pour qui sont ces serpents...."

Publié le par Océ

      Dommage, vraiment,  que le terme moraliste soit  banni du langage contemporain qui ne retient que le sens péjoratif ( Personne qui se plaît ou se complaît à moraliser).     

      Pour mémoire, voici comment le CNTRL définit positivement ce terme :  1 Philosophe, théologien qui traite de la science morale.  2 Écrivain qui observe, décrit et analyse les mœurs, les passions d'une époque.  Personne qui, sans être écrivain, observe la nature humaine, les mœurs, réfléchit sur elles, et en tire une morale.

    Montaigne, Pascal, La Rochefoucauld, La Bruyère, Chamfort, La Rochefoucauld...sont autant  de noms fameux  de notre littérature qui illustrent  la richesse du terme.

    L'actualité nous offrant sans cesse son lot de drames humains,  historiens et spécialistes de géo-politique  ne sont pas en peine d'offrir leurs explications. Certains préféreront  se souvenir des fabulistes et conteurs comme Ésope, Phèdre, Pilpay,  La Fontaine, Voltaire,  Perrault, Anouilh... qui, au fil des siècles ici et ailleurs, nous ont légué leurs observations sur  des comportements  humains permanents.

     En ces temps marqués par le terrorisme, on pourrait ainsi repenser au motif  du serpent que l'on réchauffe et qui se retourne contre celui qui lui est venu en aide. 

 Une illustration de  la fable par Gustave Doré.

Une illustration de la fable par Gustave Doré.

 La Fontaine, livre VI, fable 13 : 

                   LE VILLAGEOIS ET LE SERPENT

            Ésope conte qu'un Manant,
            Charitable autant que peu sage,
            Un jour d'hiver se promenant
            A l'entour de son héritage,
Aperçut un Serpent sur la neige étendu,
Transi, gelé, perclus, immobile rendu,
            N'ayant pas à vivre un quart d'heure.
Le Villageois le prend, l'emporte en sa demeure ;
Et, sans considérer quel sera le loyer
            D'une action de ce mérite,
            Il l'étend le long du foyer,
            Le réchauffe, le ressuscite.
L'animal engourdi sent à peine le chaud,
Que l'âme lui revient avecque la colère.
Il lève un peu la tête et puis siffle aussitôt,
Puis fait un long repli, puis tâche à faire un saut
Contre son bienfaiteur, son sauveur, et son père.
Ingrat, dit le Manant, voilà donc mon salaire ?
Tu mourras. A ces mots, plein d'un juste courroux,
Il vous prend sa cognée, il vous tranche la bête;
            Il fait trois serpents de deux coups,
            Un tronçon, la queue et la tête.
L'insecte  sautillant, cherche à se réunir,
            Mais il ne put y parvenir.
            Il est bon d'être charitable,
            Mais envers qui ? c'est là le point.
            Quant aux ingrats, il n'en est point
            Qui ne meure enfin misérable.

     On pensera à rapprocher  cette fable de La Fontaine  d'un autre conte connu sous le titre "Le Scorpion et la Grenouille".   Illusion,  imprudence, sottise  de la grenouille  face  au scorpion rusé, cruel , une histoire éternelle dont voici la fin bien pessimiste :
       Finalement, à force de palabres, la grenouille se laissa convaincre, et elle entama la
traversée du marigot avec le scorpion sur son dos.
Mais, au milieu du fleuve, la grenouille sentit la brûlure d’une piqûre et le poison10
engourdir ses membres.
- Tu vois, cria-t-elle, tu m’as piquée et je vais mourir !
- Je sais, répondit le scorpion. Je suis désolé… mais on n’échappe pas à sa nature.
Et il disparut lui aussi dans les eaux boueuses.

Par Kurzon — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=86612002

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Publié dans Littérature

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