Plume italienne : "Le Chant des innocents"
C'est une bonne surprise de ce début d'année que ce roman publié en français l'an dernier et heureusement sorti de son attente sur une pile assez conséquente.
L'œuvre aurait pu être simplement distrayante car convenue avec ses crimes violents, son tandem policier mixte, des questions de société classiques... Oui, mais voilà, l'attention du lecteur est captée d'emblée car le roman ouvre sur l'élaboration d'un premier projet criminel présenté par son auteur. L'enquête policière commence rapidement avec la rupture de la trame narrative à chaque nouveau crime évoqué à la première personne, à la fois semblable et différent du précédent puisque profil des victimes et motivations des auteurs changent. Seule constante : ils sont adolescents et ne cherchent jamais à fuir ou à nier, offrant ainsi une cruelle réécriture de la variation sur un même thème.
Même si c'est l'inspectrice Teresa Brusca qui, officiellement, hérite du dossier, le commissaire Vito Strega entre rapidement en scène. On le découvre au fil de ses rencontres avec la psychiatre qui doit rendre un rapport sur ses capacités à reprendre le service après un drame qui l'a fait mettre à l'écart par sa hiérarchie. Autres caractéristiques du personnage : son goût immodéré pour "la fée verte" et ses dialogues avec Sophia, la chatte de caractère.
Quête de soi, quête des coupables s'entremêlent alors. Il faut attendre plusieurs courts chapitres pour que s'éclaire le titre choisi. " Le mal s'insinuait dans tous les fibres de son être, se mêlait à son sang . Il percevait la douleur et le désespoir des victimes, et leur chant, dans son esprit, formait désormais un chœur assourdissant."
Les thèmes s'entrecroisent : criminels adolescents, psychiatrie, relations conjugales et d'autres à découvrir. Le caractère plaisant chez Piergiorgio Pulixi, c'est son absence de discours complexes sur les thèmes en question, juste suggérés au lecteur. On appréciera surtout après avoir lu des romans français à succès mais aux explications pesantes.
Un rappel pour mémoire : l'incipit de La Condition Humaine, roman signé André Malraux .
« 21 mars 1927. Minuit et demi. Tchen tenterait-il de lever la moustiquaire ? Frapperait-il au travers ? L'angoisse lui tordait l'estomac ; il connaissait sa propre fermeté, mais n'était capable en cet instant que d'y songer avec hébétude, fasciné par ce tas de mousseline blanche qui tombait du plafond sur un corps moins visible qu'une ombre, et d'où sortait seulement ce pied à demi incliné par le sommeil, vivant quand même - de la chair d'homme. La seule lumière venait du building voisin : un grand rectangle d'électricité pâle, coupé par les barreaux de la fenêtre dont l'un rayait le lit juste au-dessous du pied comme pour en accentuer le volume et la vie. Quatre ou cinq klaxons grincèrent à la fois. Découvert ? Combattre, combattre des ennemis qui se défendent, des ennemis éveillés ! »