L'indigence du vocabulaire ou le grand facteur de division sociale

Publié le par Océ

"La Tour de Babel" par Pieter Brueghel l'Ancien (v. 1563).

"La Tour de Babel" par Pieter Brueghel l'Ancien (v. 1563).

  La dernière campagne électorale et l'actuelle abreuvent les malheureux auditeurs d'une complainte  au refrain-scie : yaka, faukon, zontka... Les couplets enfoncent à coup de marteau des éléments de langage de telle façon que les mots en perdent leur saveur. Tel est le sort réservé à "patrie", terme devenue décharné alors même que ceux qui l'utilisent voudraient le scander.

   Et pourtant... On pensera à Du Bellay exilé en Italie et à un de ses sonnets les plus connus du recueil Les Regrets :

"France, mère des arts, des armes et des lois,
Tu m'as nourri longtemps du lait de ta mamelle :
Ores, comme un agneau qui sa nourrice appelle,
Je remplis de ton nom les antres et les bois
." [...]

   On se souviendra de Lamartine  évoquant "Milly ou la terre natale"

Pourquoi le prononcer ce nom de la patrie ?
Dans son brillant exil mon coeur en a frémi...
" [...]

   Il était de bon  ton de louer les capacités oratoires du Général De Gaulle ou la culture des présidents Pompidou et Mitterrand. Et voilà qu'il devient  à la mode de railler le vocabulaire du nouveau président qui, drame existentiel, est à la fois jeune et moderne (comprendre "trop" jeune et "trop" moderne) et offre l'incongruité d'un vocabulaire varié, riche et nuancé ce qui donne du relief à des sujets archi-rebattus.

   Les journalistes s'offrent donc le plaisir douteux d'ironiser sur les  mots "surannés", "désuets" usités par M. Macron sans voir d'ailleurs que  leurs exemples ne révèlent guère que les limites de leur propre lexique. Ce qu'ils ont relevé ?  "galimatias", "larcin", "inventaire à la Prévert", "impréparation crasse"...

    Et pourtant... on défend la patrie mais pas sa langue, la paix civile mais pas les moyens de formuler des opinions nuancées, l'égalité des chances sans la souplesse de la syntaxe et du lexique.

Camus : "Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde."

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