L'anathème ou le degré zéro de l'argumentation
Depuis plusieurs semaines, la campagne présidentielle s'emballe dans les propos tout en s'enlisant dans des considérations peu rationnelles avec des retournements rapides de certains soutiens en faveur des uns ou des autres.
A qui les candidats s'adressent-ils ? A leurs inconditionnels ?...mais ils sont déjà acquis. Comment élargir leur "socle" ou se trouver une caisse de résonance ? C'est là que l'on voit réapparaître les vraies ficelles des tribuns qui jouent sur les tripes, l'émotion, pour persuader au lieu de s'adresser aux capacités de raisonnement pour convaincre les hésitants. Pour rappel, la différence entre convaincre et persuader est au programme des classes de première en lycée.
Petit lexique de base des "éléments de langage" privilégiés par les complotistes :
- Une stratégie
Le recours à l'anathème est une constante : le terme appartient au vocabulaire religieux et désigne l'offrande faite à une divinité. Chez les catholiques, il correspond à une sentence de malédiction à l'encontre d'une doctrine ou d'une personne jugée hérétique. Par extension, il s'agit d'une condamnation, d'une réprobation énergique, d'un blâme sévère à l'adresse d'une personne, d'un acte, d'une opinion, etc.
On élimine ainsi verbalement un adversaire en le qualifiant de "bobo" ou son propos étiqueté par exemple de "bienpensance". Inutile donc de s'arrêter à une validité possible de la position ou de suggérer nuances ou compléments. On balaie, on élimine. L'efficacité sera accrue si l'on pense à intégrer la répétition pour mieux transformer le propos en incantation ou en malédiction. Gestuelle à soigner : doigt pointé, poing martelant les attaques...
-bien-pensance : opinion dont les idées sont conservatrices (source : linternaute).
Actuellement, le terme est utilisé par les journalistes ou les participants à des forums pour envelopper une série d'attaques contre la gauche traditionnelle accusée d'angélisme, croyant vivre au "pays des bisounours", contre ceux qui, au hasard, croient encore à la justice, aux valeurs républicaines et, concrètement s'opposent à Bruxelles, à l'accueil des migrants fuyant les zones de guerre.
-instrumentalisation : action de se servir de quelqu'un ou quelque chose dans le seul but de parvenir à ses fins. L'équivalent donné en anglais est : to manipulate.
Exemple : la justice est dite instrumentalisée quand elle ouvre un dossier sur une affaire d'emploi fictif mettant en cause un député et sa famille. On pourrait imaginer deux résultats possibles : la justice ne trouve rien et le député est totalement blanchi ou alors, rumeurs et accusations sont fondées et il serait légitime que justice soit faite. Avantage : les dossiers ne s'enlisent pas ou pas trop. Solution : ne pas se trouver dans une situation répréhensible.
Attention aux accusations à géométrie variable. Une députée des Bouches-du-Rhône (exclue du PS) a été condamnée par la cour d'appel d'Aix-en-Provence à une peine de quatre ans de prison, dont un an ferme, assortie d'une amende de 100.000 euros et de cinq ans d'inéligibilité. Elle a été reconnue coupable d'avoir fait verser plus de 700.000 euros d'argent public à des associations fictives. Un ancien ministre du budget a été condamné à trois ans de prison ferme et cinq ans d’inéligibilité pour fraude fiscale et blanchiment (affaire en appel). Un fils de ministre socialiste est poursuivi pour faux, escroquerie et blanchiment présumés...La liste pourrait continuer avec des noms à droite aussi. L'instrumentalisation (à supposer qu'elle existe) est curieusement non sélective.
-lynchage médiatique : "acharnement des médias envers une personnalité"
-officine : le nom, synonyme de pharmacie, est réapparu dans le vocabulaire avec son sens péjoratif utilisé pour désigner un "endroit où s'élabore quelque chose de secret, de nuisible, de mauvais " (source :Larousse) et, par extension, les individus regroupés en ce lieu. Le terme nous renvoie aux jours sombres du SAC (Service d'Action Civique) de Ch. Pasqua ou à ceux du GUD.