Venise face au monstre
A chaque baptême de grand paquebot de croisière, les journalistes rivalisent de qualifiants dont le plus fréquent est "monstre des mers". L'actualité récente montre malheureusement que la réalité peut donner corps à des expressions banalisées et vidées de leur sens.
Ce dimanche 2 juin, le paquebot de croisière MSC Opera aurait rompu une amarre de remorquage et lancé sa masse énorme (251 mètres de long, treize ponts de haut) droit devant lui. Bilan provisoire : des dégâts sur des bateaux, des blessés légers et surtout une immense frayeur. L'événement a de quoi donner crédit aux prophètes de malheur qui dénoncent les nuisances des gros paquebots.
Voici des décennies que tous alertent sur les dangers qui menacent la survie de Venise. De la montée des eaux à celle du niveau de fréquentation des masses de touristes en passant par les énormes paquebots qui désespèrent ceux qui aiment cette ville unique, on sait que Venise est en danger de mort.
Pour le confort de touristes qui veulent découvrir la cité de doges, on menace la survie de cette œuvre d'art en plein air. Il est question de limiter le nombre de visiteurs quotidiens mais on laisse encore aborder des navires surdimensionnés par rapport à l'espace accordé.
Décidément, chaque culture semble découvrir son propre Léviathan en même temps que ses propres paradoxes pour ne pas dire aberrations. Faut-il faire sombrer Venise pour, enfin, réagir ?
Sur la toile, on peut visionner diverses vidéos de l'accident. Les âmes sensibles se contenteront du film vu de loin, celui en gros plan et focalisation interne étant passablement effrayant.