Poésie et peinture : un double regard
Le tableau de Georges de la Tour "Job raillé par sa femme" est connu aussi sous le titre "Le Prisonnier".
Penser à la peinture de Georges de La Tour conduit inévitablement le spectateur à réfléchir au travail sur les éclairages et le recours au clair-obscur pour des scènes d'intérieur souvent inspirées par des personnages de la Bible.
Job est passé à la postérité comme l'incarnation des malheurs de l'homme confronté à tous les visages du mal et du malheur : la pauvreté, la perte des enfants, l'éloignement des amis... Mais jamais il ne renoncera à sa foi.
Une reproduction de cette toile tiendra compagnie au poète René Char au début de la guerre lorsqu'il devient chef de l'armée secrète, symbole moderne de l'être humain plongé dans les "ténèbres hitlériennes". Ombre, lumière... Comme bien d'autres, croyants ou pas, Char a conforté son espoir en la victoire grâce à un personnage venu du fond des temps et à un peintre du XVIIème siècle.
Pour en savoir plus, on lira avec profit l'article consacré aux liens entre le poète et Job :
Le texte de René Char :
Le Prisonnier ( tableau daté de la première moitié du XVIIème siècle)
"La reproduction en couleur du Prisonnier de Georges de La Tour que j'ai piquée sur le mur de chaux de la pièce où je travaille, semble, avec le temps, réfléchir son sens dans notre condition. Elle serre le cœur mais combien désaltère ! Depuis deux ans, pas un réfractaire qui n'ait, passant la porte, brûlé ses yeux aux preuves de cette chandelle. La femme explique, l'emmuré écoute. Les mots qui tombent de cette terrestre silhouette d'ange rouge sont des mots essentiels, des mots qui portent immédiatement secours. Au fond du cachot, les minutes de suif de la clarté tirent et diluent les traits de l'homme assis. Sa maigreur d'ortie sèche, je ne vois pas un souvenir pour la faire frissonner. L'écuelle est une ruine. Mais la robe gonflée emplit soudain tout le cachot. Le Verbe de la femme donne naissance à l'inespéré mieux que n'importe quelle aurore.