"Tout est ruine et deuil..."
Les années, les siècles passent et les guerres continuent leurs ravages avec tous leurs cortèges de malheurs. En témoigne, par exemple, le poème de Victor Hugo, "L'Enfant", cité pour mémoire ci-dessous. Souvent étudié dans les collèges ou les lycées, du moins dans un passé qui s'éloigne, il a marqué bien des esprits tant par la description des désastres qui émaillent la guerre d'indépendance grecque que par le dialogue avec l'enfant et surtout ses derniers vers :
"– Ami, dit l’enfant grec, dit l’enfant aux yeux bleus,
Je veux de la poudre et des balles."
- Victor Hugo, Les Orientales. Le texte est daté : 8-10 juillet 1828 et publié dans un recueil paru en 1829.
L’Enfant
Les Turcs ont passé là. Tout est ruine et deuil.
Chio, l’île des vins, n’est plus qu’un sombre écueil,
Chio, qu’ombrageaient les charmilles,
Chio, qui dans les flots reflétait ses grands bois,
Ses coteaux, ses palais, et le soir quelquefois
Un chœur dansant de jeunes filles.
Tout est désert. Mais non ; seul près des murs noircis,
Un enfant aux yeux bleus, un enfant grec, assis,
Courbait sa tête humiliée ;
Il avait pour asile, il avait pour appui
Une blanche aubépine, une fleur, comme lui
Dans le grand ravage oubliée.
Ah ! pauvre enfant, pieds nus sur les rocs anguleux !
Hélas ! pour essuyer les pleurs de tes yeux bleus
Comme le ciel et comme l’onde,
Pour que dans leur azur, de larmes orageux,
Passe le vif éclair de la joie et des jeux,
Pour relever ta tête blonde,
Que veux-tu ? Bel enfant, que te faut-il donner
Pour rattacher gaîment et gaîment ramener
En boucles sur ta blanche épaule
Ces cheveux, qui du fer n’ont pas subi l’affront,
Et qui pleurent épars autour de ton beau front,
Comme les feuilles sur le saule ?
Qui pourrait dissiper tes chagrins nébuleux ?
Est-ce d’avoir ce lys, bleu comme tes yeux bleus,
Qui d’Iran borde le puits sombre ?
Ou le fruit du tuba, de cet arbre si grand,
Qu’un cheval au galop met, toujours en courant,
Cent ans à sortir de son ombre ?
Veux-tu, pour me sourire, un bel oiseau des bois,
Qui chante avec un chant plus doux que le hautbois,
Plus éclatant que les cymbales ?
Que veux-tu ? fleur, beau fruit, ou l’oiseau merveilleux ?
– Ami, dit l’enfant grec, dit l’enfant aux yeux bleus,
Je veux de la poudre et des balles.
En Arménie et en Azerbaïdjan, en Serbie et au Kosovo pour entamer une liste sans fin qui parcourt le globe sans parler de l'Ukraine, l'actualité plus récente montre que désirs d'indépendance sont sanglants et que les conflits ne demandent qu'à renaître.
Souvent mentionné en raison de sa richesse, le site https://www.cartooningforpeace.org/ résume en dessins la réflexion développée par Victor Hugo. Comme toujours dans ce blog, on appréciera le double regard des dessinateurs croquant un "vainqueur" s'emparant d'un tas de ruines sur un terrible cimetière.